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Le président d'honneur s'en est allé

Etienne, c’est d’abord le « il » d’un couple qui est la plus belle victoire de l’histoire du Sablier bien au-delà des titres, des victoires que nous avons remportés. « Il » a rencontré « elle » , Mademoiselle Francine Lips au Sablier durant l’année 1975. Il et elle sont devenus très rapidement Monsieur et Madame Hansenne, une union qui a duré quatre décennies et dont il m’a été donné de ressentir combien entre eux l’amour était intact lorsqu’ils m’ont invité chez eux plusieurs fois depuis que je suis revenu au Scrabble. Nous, les membres du club de la première époque avons assisté au rapprochement entre eux et, lorsque nous les avons vu un jour s’éloigner main dans la main sur le boulevard, nous savions.
 
J’ai rencontré Etienne pour la première fois le 7 septembre 1974 dans une salle du Vénitien qui se trouvait au coin du boulevard de la Sauvenière et de la rue Hamal lors de la première réunion de ce qui allait devenir officiellement un mois plus tard le Sablier. Trois cruciverbistes de haut vol étaient à l’initiative de la création de ce club, Jean-Marie David qui en serait le premier Président, Etienne Hansenne et l’homme de l’ombre que peu connaissent et que d’autres ont peut-être oublié, Guillaume Hendrick. C’est ce dernier qui a permis au Sablier d’occuper deux années durant son premier local à la Taverne sportive, place Verte à quelques dizaines de mètres du Vénitien. Moi qui avais à peine plus de vingt ans découvrais avec des yeux ronds l’érudition et les connaissances lexicographiques de ces trois Messieurs pour qui le Petit Larousse n’avait plus guère de secrets. Ce sont eux qui m’ont appris à jouer et qui ont conforté en moi la passion des jeux de lettres qui ne m’a jamais quitté. En vous disant cela, je revois et j’entends parfaitement Etienne m’expliquer tel mot, tel coup d’une partie, tel souvenir. Calmement, gentiment, patiemment, sans jamais se mettre en avant, lui qui était déjà un champion de mots croisés, un verbicruciste pour Télépro notamment et qui avait été, cela il n’en parlait presque jamais, un champion d’haltérophilie; cela, je l’ai découvert beaucoup plus tard. 
 
Comme j’ai découvert a posteriori ce qui a sans doute été pour beaucoup dans le talent d’Etienne, sa profession de linotypiste dans une imprimerie verviétoise. Le hasard avait un jour conduit mon épouse à le rencontrer sur son lieu de travail bien avant les débuts du Sablier et à découvrir que casse, bas de casse et haut de casse n’avaient aucun secret pour lui qui plus tard jouerait avec les jetons de Scrabble comme il jouait avec les caractères en plomb.
 
Un an après sa fondation, le Sablier s’est inscrit dans les IC et a fait avec Etienne ses débuts en D 2, où il  n’a séjourné qu’un an avant de rejoindre la D 1 au début de la saison 1976-77. Une première saison en D 1 honorable et puis est venue cette mémorable saison 1977-78 avec ce que René me fait l’amitié d’appeler la dreamteam (moi, je réserverais plutôt ce mot à l’équipe actuelle, c’est tellement évident, et je me bornerais à dire que, pour l’époque et en l’absence de toute aide électronique, nous nous débrouillions plutôt bien). Une saison entamée sans autre ambition qu’un classement honorable et où nous avons cru en nos chances lorsqu’en milieu de championnat nous sommes allés écraser la meilleure équipe de l’époque, la Louve 51-85. Dans cette équipe jouaient notamment Yvon Duval, le Christian Pierre de l’époque, Guy De Bruyne et Jean-Claude Bosse. Notre équipe était formée de Jean-Marie, Etienne et Guillaume, cités plus haut, de Francine, de l’extraordinaire Georges Lavigne, de Bernadette Delvaux (la soeur de Marie-Claire Culot pour ceux qui connaissent cette dernière), de Jean-Pierre Leist et de l’auteur de ces lignes. De cette équipe, les quatre plus anciens nous ont quittés, Guillaume en 2000, Georges en 2007, Jean-Marie en 2014 et Etienne. Avec une pensée aussi pour Josée Fauconnier qui joua cette saison-là un match et justement celui évoqué ci-dessus à La Louvière. Nous restons donc à quatre de ma génération, les autres un peu plus âgés que moi : Francine, Bernadette qui habite à Theux et dont je n’ai plus eu de nouvelles depuis trois ou quatre ans et Jean-Pierre qui coule des jours que j’espère heureux pour lui en Bolivie. La fête du titre pour laquelle Etienne avait fait fabriquer de petits trophées gravés et personnalisés fut mémorable et nous fit rencontrer au milieu de la nuit liégeoise - je l’ai déjà maintes fois raconté - un arbitre belge de foot qui fêtait lui son retour de la Coupe du Monde en Argentine où il avait sifflé un Italie - Autriche.
 
Francine et Etienne ont poursuivi des jours heureux jusqu’à cette funeste année 2001 où un accident de santé gravissime a fait d’Etienne un autre homme très diminué physiquement, mais toujours alerte intellectuellement. Quelques mois après mon «  retour aux affaires » en 2013, j’ai reçu un petit mot de Francine m’invitant à renouer le contact avec eux. Ce que j’ai fait avec beaucoup de plaisir et rétrospectivement beaucoup d’émotion. J’ai découvert un autre homme à la mémoire cependant intacte, à la réflexion un peu plus lente, mais toujours capable de résoudre les mots croisés les plus difficiles, sauf quand il y était question de cinéma et qu’il me tannait pour que je l’aide à retrouver Isabelle Huppert cachée derrière quelques-uns de ses films. J’ai découvert des tas de photos, de documents, des trophées, des coupes. C’est là que j’ai appris aussi les liens qui unissaient Francine et Etienne à Jean-Paul Heggen. Etienne vivait désormais dans son monde, dans sa bulle, mais je n’oublierai jamais le moment extraordinaire où il a brisé celle-ci pour me parler de sa rencontre et de son amour pour Francine et pour aborder les sujets les plus graves comme celui que nous partageons aujourd’hui avec lui. J’ai pris cela comme une preuve d’amitié et de confiance indicible.
 
J’oublie des tas de choses… Et vous qui me lisez savez aussi plein de choses que j’ignore et dont vous pouvez témoigner. Beaucoup savent également qu’Etienne a mis son talent d’imprimeur au service du club pendant de très longues années et que son Sabot a été salué comme le plus beau journal de club de Scrabble en Belgique.
 
Il n’est pas question d’essayer d’établir ici une quelconque hiérarchie qui n’aurait aucun sens, mais il est certain qu’Etienne figure à jamais dans le top 5 des membres les plus importants du Sablier.
 
Y. Renson
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